Le principe « Do no harm » à l’heure de l’urgence environnementale : réinventer la gestion de l’information dans le secteur de la solidarité internationale

Voilà près de deux décennies déjà qu’une maxime récurrente revient, quel que soit le secteur d’activité : “les données sont le nouvel or noir”. Comment optimiser la gestion des données est également devenue une question centrale dans le secteur de la solidarité internationale, lequel a suivi la tendance prônant le data-driven (approche centrée sur les données). En tant que professionnels de l’humanitaire et du développement, nous avons désormais massivement recours à la technologie dans le cadre de nos programmes, que ce soit via des collectes de données sur mobile, pour des transferts monétaires, l’utilisation de tableaux de bord en ligne, de l’analyse et de la cartographie par imagerie satellite ou, bien encore, du stockage et des services de données en ligne.

Lorsqu’elles sont utilisées de façon responsable, il est clair que ces technologies révolutionnent nos processus décisionnels internes et nous permettent de gagner en temps et efficacité en offrant, par exemple, des solutions pour limiter les déplacements non essentiels. Elles participent également à une redevabilité accrue vis-à-vis des partenaires, des bailleurs de fonds et des populations bénéficiaires. Qui plus est, les méthodes innovantes de production de données nous aident à construire des modèles plus performants et plus étoffés pour décrypter la complexité de notre monde.

Dans les dernières analyses menées autour de la COP26 concernant l’empreinte carbone de notre secteur, il est intéressant de noter que les données, ainsi que la numérisation qui les accompagne bien souvent, ne sont généralement considérées que comme faisant partie de la solution. Il est vrai que les données et les nouvelles technologies permettent de mieux comprendre et mesurer notre empreinte environnementale, et nous guident vers plus de résilience. Pourtant, bien que longtemps considérées comme « immatérielles », les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont récemment dépassé le secteur aérien – même lui ! – en termes d’empreinte carbone.

Face à une crise mondiale sans précédent – aux dimensions environnementales, sanitaires, sociales, politiques et humanitaires – il convient de se demander dans quelle mesure les solutions de données que nous développons au sein du secteur de la solidarité internationale pour mieux comprendre et répondre aux différentes crises auxquelles nous sommes confrontés, contribuent à entretenir ces mêmes crises ? Plus particulièrement, quand nous nous référons au principe « do no harm » (ne pas nuire) qui est au cœur de nos actions, ne devrions-nous pas évaluer davantage les externalités environnementales de notre activité, plutôt que de considérer uniquement les résultats de notre action à court terme ?

Telle est la discussion à laquelle nous avons invité les participant·es à prendre part lors de cette édition du GeOnG. Nous avons examiné, d’une part, comment les acteurs de la solidarité internationale peuvent faire partie de la solution en révélant et en répondant à la crise environnementale et à ses impacts, et, d’autre part, comment intégrer les technologies et les approches qui appliquent le principe « do no harm » à la question environnementale.

Bien évidemment, il n’existe pas de solution miracle, d’autant plus qu’évaluer son impact environnemental est un sujet complexe que les acteurs de la solidarité internationale ne sauraient résoudre seuls. Pour autant, au cours du GeOnG 2022, nous avons cherché à comprendre comment le secteur de l’humanitaire et du développement peut concrètement repenser son approche de la gestion de l’information pour s’adapter à l’urgence environnementale.

À cette fin, nous avions identifié quatre grands axes pour l’événement et vous avions encouragé à soumettre des idées de sessions via notre Appel à Suggestions. Les suggestions dépassant le cadre de ces quatre axes mais portant sur le thème principal de l’événement étaient, bien entendu, également les bienvenues.

Axe 1 – Infosobriété, minimisation des données, low tech et green tech

Imaginer comment les acteurs de la solidarité peuvent limiter leur impact environnemental en envisageant des solutions alternatives ou en redéfinissant leurs approches.

  • Comment mieux intégrer les approches à faible émission de carbone, telles que le low tech et le green tech, dans les programmes d’urgence et de développement ?
  • Pouvons-nous être plus audacieux dans notre approche « less is more » relative aux données et aux logiciels ?
  • Comment pouvons-nous mieux évaluer l’impact environnemental des systèmes de gestion de l’information que nous mettons en place ?
  • Comment mieux penser nos choix technologiques et la manière dont nous opérons la numérisation de nos processus ?
Axe 2 – Information et localisation : autonomisation, responsabilisation, participation

Considérer la manière dont les données peuvent autonomiser et encapaciter les populations les plus exposées à cette crise mondiale – qui sont également les plus à même de s’adapter et de prévenir les catastrophes – en mettant la technologie au service de la localisation et de nouvelles approches de l’action humanitaire.

  • Comment les systèmes de gestion de l’information peuvent-ils aider les personnes les plus vulnérables en leur fournissant des outils et des moyens pour mieux appréhender et sensibiliser aux conséquences du changement climatique ?
  • Comment les technologies numériques peuvent-elles devenir des alliées des efforts de localisation, en s’appuyant sur les nouvelles pratiques nées pendant la crise sanitaire de la Covid-19 ?
Axe 3 – La gestion de l’information et son rôle pour mettre en évidence ou mieux répondre à la crise environnementale

Présenter des exemples de projets et de technologies de gestion de l’information qui aident à mettre en lumière et à répondre à la crise environnementale et à ses conséquences – telles l’augmentation du nombre de catastrophes naturelles et des flux migratoires ou des crises humanitaires chroniques.

  • Quelles sont les utilisations de la donnée les plus pertinentes – en particulier via les SIG et la cartographie – pour offrir un panorama plus complet de la situation environnementale ?
  • Comment la gestion de l’information peut-elle aider à faire face à la crise environnementale, à travers la préparation, la réponse aux crises et le développement durable ?
Axe 4 – Collaboration et systèmes plus durables et résilients

Réfléchir à la manière dont la collaboration peut contribuer à faire des outils et des approches de gestion de l’information le pilier d’un monde durable. En considérant, par exemple, comment les acteurs de la solidarité internationale peuvent favoriser la collaboration autour des systèmes de gestion de l’information afin de créer un système plus transparent, décentralisé, fiable et, en définitive, efficace.

  • Comment les technologies collaboratives et libres et les biens communs numériques peuvent-ils être exploités pour développer des sociétés plus résilientes ?
  • Quelles sont les bonnes pratiques pour favoriser la collaboration et encourager l’efficacité (open source, Open Data, etc.) entre les différentes parties prenantes de la gestion de l’information (utilisateurs de données, fournisseurs de solutions, autorités, etc.) ?