En juillet 2020, CartONG annonçait le démarrage d’une nouvelle phase de deux ans pour le projet Cartes d’ici & d’ailleurs. Il est temps de faire le bilan de ce projet innovant, qui nous aura amené à animer 47 ateliers avec des personnes migrantes partout en France, grâce au soutien financier du dispositif Comité Santé Mentale des exilés de la Fondation de France.

Une méthodologie d’ateliers à mi-chemin entre médiation artistique et cartographie sensible

Une salariée de CartONG a travaillé en binôme avec une art-thérapeute associée au projet afin de développer une méthodologie d’ateliers de médiation artistique de groupe basée sur la cartographie sensible. L’objectif ? Pouvoir proposer des espaces d’expression adaptés pour des personnes migrantes en souffrance psychique. La méthodologie a ensuite été adaptée en fonction des contextes d’intervention, des retours des participant·es et des structures partenaires.

Chaque session d’atelier était animée par un binôme composé d’une salariée de CartONG spécialiste de la cartographie sensible et par un·e professionnel·le de santé mentale : soit une art-thérapeute associée au projet, soit un·e infirmier·e en santé mentale. Durant toute la durée des ateliers, la neutralité des animateurs/animatrices a été un point particulièrement important : il s’agissait d’éviter tout jugement esthétique sur les créations des participant·es; et de rester dans une posture d’écoute active, disponible en cas de difficulté rencontrée par un·e participant·e. 

Pour que les ateliers soient accessibles à tous·tes quel que soit le niveau de français, nous avons créé des consignes visuelles permettant de montrer ce qu’est la cartographie sensible : le fait de traduire sur un support matériel une représentation d’un espace selon une lecture et une représentation subjective, affective, imaginaire et créative. Pour faire varier l’échelle des cartes et les espaces représentés, différents thèmes étaient proposés : un pays fantastique, une promenade extraordinaire, une ville étonnante, etc. Ces thèmes constituaient une invitation à représenter des espaces traversés (village d’origine, parcours d’exil, territoire d’accueil) ou bien des espaces imaginés (lieux de vie rêvés, voyages futurs, pays imaginaire, etc.).

Nous avons proposé une diversité de matériaux ludiques invitant à la création en 2D mais aussi en 3D : papier, feutres, mais aussi perles, tissus, pâtes à modeler, ficelle, bois, etc. Ces matériaux mettaient à distance les attendus de réalisation d’une carte classique et invitaient à la création d’une carte éphémère.

47 ateliers dans 9 structures différentes

Une fois la méthodologie d’animation créée, CartONG a mis en place des partenariats pour animer des cycles de 3 à 6 sessions d’ateliers dans 9 lieux différents, en Auvergne-Rhône-Alpes principalement, mais aussi en Île-de-France et dans les Hauts-de-France. Au total, 148 personnes ont participé aux ateliers. Nous avons touché une diversité de structures, et par conséquent une diversité de publics :

  • 5 cycles d’ateliers ont eu lieu dans des centres accompagnant des personnes en demande d’asile : CADA de Paris (France Terre d’Asile), CADA Combes de Savoie (FOL74), CADA Grand Chambéry (FOL73), CADA de L’Haÿ-les-Roses (Philia), PRAHDA de Chignin (Adoma). 
  • 2 cycles d’ateliers ont été proposés dans des structures accueillant des personnes en précarité dont des personnes migrantes : cela a été le cas au Carrefour Santé Mentale Précarité à Bourg-en-Bresse (CPA de l’Ain) et à l’Accueil de jour de Chambéry (La Sasson).
  • Enfin, 2 cycles d’ateliers co-construits en partenariat avec des équipes mobiles de la Croix-Rouge française ont permis de s’adresser à des publics migrants en grande précarité, dans un squat à Feyzin en périphérie de Lyon, et à l’accueil de jour pour mineur·es de Dunkerque.

Les structures partenaires ont témoigné de l’impact positif de ces ateliers pour leur structure. Alene Celse Iradukunda, Coordinatrice du Dispositif d’intervention en Campements informels Rhône à la Croix-Rouge française, a initié un partenariat avec CartONG pour proposer 6 ateliers :

Ces ateliers permettent de faire du lien avec des personnes, mais ils ont aussi permis à l’équipe de la Croix-Rouge d’orienter vers des structures proposant du soutien psychologique.

Alene Celse Iradukunda, Coordinatrice du Dispositif d’intervention en Campements informels Rhône à la Croix-Rouge française

Documenter notre approche pour en favoriser la dissémination

Dans une perspective de dissémination de la méthodologie d’ateliers, nous avons formé une vingtaine de personnes dans les structures partenaires : chargé de projet, travailleurs sociaux, éducateurs, médiateur-interprète.

Cette collaboration étroite a permis de mieux mobiliser les participant·es, de faire remonter les demandes d’accès à des parcours de soins psychiques individuels, mais aussi de sensibiliser aux enjeux de la médiation artistique.

Pour faciliter l’appropriation par d’autres acteurs/actrices de la méthodologie d’ateliers développée, CartONG a publié en septembre 2021 une boîte à outils “Animer des ateliers de médiation artistique autour de la cartographie sensible avec des personnes migrantes” accessible en open source. La méthodologie des ateliers Cartes d’ici & d’ailleurs y est décrite pas à pas, illustrée par des exemples tirés de nos expériences d’animation.

Célia Tefaatau, infirmière en santé mentale à Intermed, a co-animé avec CartONG 6 ateliers au PRAHDA de Chignin (Adoma) :

“Je travaille en médiation et coordination santé. Parmi les personnes qui ont participé à l’atelier, certaines n’avaient jamais souhaité aborder la question de leur santé avec moi malgré plusieurs sollicitations. En proposant ce groupe, j’ai pu faire connaissance avec eux, accéder à une observation clinique et j’ai vu une amélioration de leur état psychique : plus de confiance en soi, des rires, des sourires.”

L’adaptation du projet au contexte sanitaire

Dans un contexte de crise sanitaire, nous avons décalé de quelques mois le démarrage des ateliers de groupe, et pris des précautions pour pouvoir les mener à bien : masques, nombre de personnes limité à 10, matériel individualisé pour chaque participant·e. Nous avons néanmoins choisi de maintenir des ateliers en présentiel, essentiels au bien-être des personnes migrantes, comme en témoigne une participant.e à un atelier à l’Haÿ-les-Roses :

Avec le confinement je suis toute la journée entre 4 murs, avec seulement la télé, ou un livre. Ici c’est un endroit où on s’amuse, on rigole. Ça me fait du bien, c’est comme un médicament.

Participante à un atelier à l’Haÿ-les-Roses

La cartographie sensible, un média pertinent pour des ateliers de médiation artistique avec des personnes migrantes

La création de cartes permet à des personnes qui ont traversé les frontières d’explorer de manière artistique ce rapport à l’espace singulier. Les personnes migrantes sont souvent fréquemment questionnées sur leur parcours d’exil, ce qui peut être douloureux. Comme la cartographie sensible offre beaucoup de liberté, elle permet de se détacher de l’injonction à donner un récit réaliste de son parcours. Elle constitue une autorisation à réinventer son histoire en laissant libre cours à sa créativité et son imagination.

Ces ateliers, particulièrement adaptés dans un contexte de grande mixité culturelle, peuvent venir soutenir les efforts des structures sociales accompagnant les personnes migrantes ainsi que ceux des structures de soin en santé mentale souhaitant mieux les accueillir. Les ateliers de médiation artistique en groupe ne remplacent pas les dispositifs de suivi thérapeutique individuel mais les complètent. Ils peuvent convenir à des personnes migrantes aux profils variés : des personnes bénéficiant déjà d’un suivi thérapeutique individuel, en recherche d’un suivi thérapeutique individuel, ou des personnes qui ne peuvent/ne souhaitent pas accéder à un suivi thérapeutique individuel.

Les retours des participant·es témoignent de l’impact positif de ces ateliers sur leur bien-être psychique :

“J’ai aimé laisser parler mon imagination. J’ai aimé le matériel, les feuilles de couleurs, les textures. Tout m’a intéressée parce que c’était la première fois que j’essayais.” – participante à un atelier à Paris

“J’ai aimé les propositions. Le fait d’être dans un groupe donne des idées. Tu viens, tu es avec quelqu’un qui propose quelque chose, ça te soulage, ça te fait du bien. C’est très important pour réfléchir, partager. Ici la vie n’est pas facile.” – participant à un atelier à Feyzin

“Les ateliers me font aller beaucoup mieux. Me retrouver avec les gens, la convivialité. Ça m’a permis de chasser un peu la nostalgie.” –  participant à un atelier à Chambéry

À l’avenir, CartONG souhaite continuer à développer des projets de cartographie sensible en partenariat avec des structures d’action sociale en France et à l’étranger. Si le projet Cartes d’ici & d’ailleurs a démontré la pertinence de cette approche dans des animations à destination de personnes migrantes, celle-ci pourrait être également adaptée en direction d’autres publics (personnes en précarité, publics allophones, etc.), ou sous un autre angle (égalité de genre dans la ville, etc).

Contactez-nous pour en savoir plus : info [at] cartong [dot] org.

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